En parcourant le numéro français du Vogue de septembre, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ce vieux débat qui revient comme un serpent de mer : la presse mode est-elle impartiale ? Le redeviendra-t-elle un jour ? La manière dont Vogue met Louis Vuitton à l’honneur dans son nouveau numéro semble confirmer plus que jamais que la presse spécialisée pense d’abord en termes de revenus commerciaux avant de penser en termes d’indépendance rédactionnelle.
Le numéro entier n’est que glorification de la plus grosse marque de luxe du monde. L’interview de Nicolas Ghesquière, Directeur Artistique de Louis Vuitton, pourrait sembler anodine et bienvenue si elle était parue au moment de sa nomination ou de son premier défilé en mars dernier mais on sent bien qu’elle ne sert qu’à mettre en avant la marque. Cela dit, le journaliste enrobe son placement de produit de quelques considérations sur le business du prêt-à-porter chez Louis Vuitton et sur les liens entre la mode, Nicolas Ghesquière et l’art en général. Cela sauverait presque son papier.
Passons maintenant au portrait dressé sur plusieurs pages de Delphine Arnault, fille de Bernard Arnault le grand patron de LVMH, et Directrice Adjointe en charge du produit. Dans ce qui s’apparente plus à une hagiographie propagandiste navrante qu’à un portrait objectif, on sent que Delphine Arnault, « beauté étrange », « souveraine anonyme dont on croise le regard dans les musées », « princesse », amalgame Louis Vuitton, le Conseil d’Administration de LVMH, la Fondation Louis Vuitton aussi facilement qu’on se déplace d’une pièce à l’autre d’un appartement dont on est le propriétaire. Cette impression étrange est fortement appuyée par sa photo exagérément photoshoppée et reproduite deux fois sur deux pages qui semble une touche finale donnée à l’image de madone virginale peinte par la journaliste.
Bien entendu, il faut lier cela au dépliant d’ouverture de Louis Vuitton, aux robes Louis Vuitton qui apparaissent dans les diverses séries de photos du magazine ainsi qu’au spread entièrement consacré à la marque pour comprendre à quel point les budgets publicitaires des marques leur assurent des retombées éditoriales importantes. Il ne s’agit pas là de remettre en question le fait que Louis Vuitton ait du budget pour avoir des publicités dans Vogue mais plutôt la manière dont Vogue « remercie » la marque, d’une manière peu subtile et presque irrévérencieuse pour un lecteur qui y chercherait une analyse objective et indépendante de ce qui se passe dans le monde de la mode. Un publi-communiqué aurait fait l’affaire.